De nouvelles bases de données au service de la détection des forêts subnaturelles
En France métropolitaine, les forêts subnaturelles sont estimées à peine 0,7 % de la surface forestière actuelle en plaine et 3% en montagne. Rares, précieuses et riches en biodiversité, leur protection est désormais un objectif national.
Pour mieux les identifier, l’IGN a développé plusieurs cartographies :
- une cartographie des forêts anciennes, la BD Forêts anciennes®, donnée essentielle pour orienter les recherches,
- ainsi qu’une cartographie des zones où il est possible de trouver des forêts subnaturelles et des zones où cela est exclu*.
*Bien-sûr, il sera nécessaire de mener des prospections terrain à l’intérieur des zones où il est possible d’en trouver afin d’isoler les forêts respectant l’ensemble des critères, indicateurs et seuils définis par le Plan national d’actions Vieux bois et Forêts subnaturelles pour identifier les forêts subnaturelles.

Exemple de BD Forêts anciennes®. En vert foncé ce sont le Forêts anciennes, en vert clair les forêts récentes, en rose les zones déboisées entre les deux dates.
Depuis le Néolithique, les forêts européennes connaissent de grandes phases de déboisement et de reboisement selon les besoins et la densité des populations humaines. En France (comme dans la plupart des pays industrialisés), la surface forestière a globalement diminué jusqu’au milieu du XIXème siècle puis a rapidement augmenté après la révolution industrielle (abandon des terrains agricoles, reboisements volontaires, encadrement de la gestion forestière etc.). La surface forestière est ainsi en constante augmentation depuis la révolution industrielle où elle ne représentait que 15% du territoire national et a aujourd’hui quasiment doublé depuis 1850 pour atteindre 32%. Cette période charnière est ainsi caractérisée par un minimum forestier et marque, en France, la limite entre les « forêts anciennes » préexistantes à ce minimum et les « forêts récentes » installées par la suite. Le choix de cette date permet d’une part de supposer que les forêts présentes au milieu du XIXème siècle ont probablement persisté sur une période plus longue (puisque les déboisements étaient supérieurs aux boisements avant cette date), et d’autre part, d’estimer précisément les surfaces forestières passées grâce à l’existence de cartes suffisamment complètes et précises : les premières cartes d’État-major (1820-1866).
L’ancienneté se réfère donc à la continuité de l’état boisé en termes d’occupation du sol et ne doit pas être confondue avec la maturité du peuplement, qui reflète le degré le d’avancement (l’âge) du peuplement dans le cycle sylvigénétique. Ces deux paramètres influencent les communautés d’espèces par des mécanismes complémentaires et il apparait important de préserver ces deux attributs lorsque c’est possible.
Les forêts anciennes présentant un fort degré de maturité et ne présentant pas de traces de perturbations anthropiques récentes sont appelées « forêts subnaturelles » et possèdent ainsi une valeur patrimoniale forte qu’il apparaît nécessaire de préserver. La stratégie de l’Union européenne en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030 et la stratégie forestière européenne à l’horizon 2030 prévoient ainsi d’identifier et de mettre sous protection forte les forêts subnaturelles d’ici 2030, en empêchant d’ici là leur altération. À l’échelle nationale et dans le même esprit, la Stratégie nationale pour la biodiversité 2030 affiche l’objectif d’une mise sous protection forte de 100% des forêts subnaturelles françaises à l’horizon 2030, contribuant ainsi à la cible phare de 10% du territoire national en protection forte dans le cadre de la Stratégie nationale pour les Aires Protégées inscrite à l’article L.110-4 du code de l’environnement. Le décret n°2022-527 du 12 avril 2022 précise cette notion de protection forte ainsi que les modalités de reconnaissance d’espaces en protection forte.
Afin d’étudier ces espaces et de les protéger, le Plan National d’Action (PNA) « Vieux bois et Forêts subnaturelles » a été lancé en 2022. Son objectif principal est de préserver et restaurer les habitats forestiers riches en bois mort, en très vieux arbres et en micro-habitats arborés, qui sont essentiels à la biodiversité forestière. La première étape de ce plan consistait à décliner, pour la France métropolitaine, la définition européenne des forêts subnaturelles en définissant les critères d’identification de celles-ci sur notre territoire et mettre en place une méthodologie de description et de cartographie de ces forêts à l’échelle nationale.
Le croisement des données historiques et actuelles au service de la qualification de l’ancienneté forestière
La cartographie des forêts anciennes repose sur le croisement de deux bases de données de référence : la BD CARTO® État-major, issue de la vectorisation des cartes d’État-major (1820-1866), et la BD Forêt® version 2.0 (2007 et 2018), qui décrit les formations boisées actuelles. En comparant la présence de l’usage forestier entre ces deux périodes, il est possible de déterminer si la forêt est ancienne, c’est-à-dire, si l’usage du sol est resté forestier de manière continue depuis le milieu du XIXème siècle, indépendamment des coupes, régénérations ou modifications.
La BD Forêts anciennes distingue trois types de forêts :
- Forêts anciennes, présentes au XIXe siècle et toujours existantes aujourd’hui,
- Forêts récentes, apparues depuis la période cartographiée,
- Forêts disparues, visibles sur les cartes anciennes mais aujourd’hui absentes.
Cette donnée permet ainsi d'identifier les forêts qui remplissent le critère d'ancienneté nécessaire pour une possible classification en tant que forêt subnaturelle, selon la définition fixée dans le contexte du Plan national d'action « Vieux bois et forêts subnaturelles », et en fait un instrument de référence pour l'étude historique des dynamiques d'usage du sol, de la gestion forestière et de la préservation de la biodiversité.
Un peu de documentation ici : Forêts anciennes Version 1.0 - Descriptif de contenu

Exemple de cartographie des forêts anciennes dans le département du Var (source : IGN, BD Foret anciennes®)
Restreindre les surfaces sur lesquelles chercher les forêts subnaturelles
L’ancienneté est un caractère nécessaire mais non suffisant pour déterminer une forêt subnaturelle et une visite terrain avec un protocole strict s’impose pour vérifier que les autres éléments de la définition établie par le PNA sont bien retrouvés. Afin de réduire les zones à prospecter sur le terrain, l’IGN a établi une cartographie des secteurs favorables à la présence potentielle de forêts subnaturelles. Cette cartographie est issue du croisement de trois bases de données : la BD Forêts anciennes, la BD Forêt® V2 et la BD Forêt® V1 (prédécesseur de la BD Forêt® V2, réalisée entre 1990 et 2006) afin d’identifier les forêts anciennes où les peuplements sont composés d’essences indigènes et présentent une structure compatible avec la définition de subnaturalité.
L’information « zone à prospecter » et « hors zone à prospecter » découle du principe suivant :
Si la zone est en forêt ancienne, et conservé d’après la BD Forêt® V1 et conservé d’après la BD Forêt® V2, elle est classée en « zone à prospecter ». Dans le cas contraire, la zone sera classée « hors zone à prospecter ».
Pertinence de la cartographie obtenue
Les forêts subnaturelles actuellement connues dans la région Occitanie ont été utilisées pour qualifier les résultats obtenus sur cette cartographie, elles montrent que 99 % des forêts subnaturelles identifiées sur le terrain se retrouvent dans les zones identifiées comme « à prospecter », ce qui confirme la pertinence du filtrage réalisé pour identifier la « zone à prospecter ». Par ailleurs, cette cartographie permet de définir une zone à prospecter de 54 811 km² à l’échelle de la France hexagonale, ce qui réduit de près de 70 % la surface forestière totale dans laquelle rechercher les forêts subnaturelles, ce qui représente un gain de temps considérable pour les inventaires terrain à venir.

Cartographie des zones à prospecter
A retenir
Bien que leur surface soit estimée à moins de 4% de la surface forestière métropolitaine, la valeur écologique des forêts subnaturelles est considérable. Elles apparaissent aujourd’hui comme des réservoirs de biodiversité irremplaçables, mais aussi comme des modèles de référence d’évolution naturelle des peuplements dans le cadre de l’évolution climatique en cours. Ces différentes ressources cartographiques permettront à tous les acteurs dans le domaine de les identifier et de permettre leur mise sous protection forte d’ici 2030.
Définition d’une forêt subnaturelle : Une forêt subnaturelle combine un fort degré de maturité, de naturalité et un caractère ancien. Cette combinaison est évaluée pour les forêts françaises de métropole à l’aide d’une liste d’indicateurs établie sur la base des travaux de la Commission européenne (Guidelines UE – mars 2023), de la littérature scientifique et des travaux des experts du Conseil scientifique du PNA vieux bois et forêts subnaturelles. Ces indicateurs sont précisés dans le tableau ci-dessous , et seules les forêts respectant les seuils et critères de subnaturalité de l’ensemble de ces indicateurs seront qualifiées de forêts subnaturelles. ![]() Des indicateurs complémentaires définis dans le PNA, comme la diversité des stades de saproxylation ou la diversité des formes de dendromicrohabitats permettront de hiérarchiser le degré de subnaturalité des forêts étudiées. |
La cartographie des forêts anciennes est désormais disponible sur le territoire métropolitain en téléchargement et sur les services géoplateforme de diffusion sous le nom « IGNF_FORETS-ANCIENNES ».
La cartographie des zones à prospecter pour identifier les forêts subnaturelles est disponible en téléchargement sur les services géoplateforme de diffusion sous le nom « ZONES-A-PROSPECTER-FORETS-SUBNATURELLES ».
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